Comment la télémédecine pourrait devenir la clé des soins à domicile

La télémédecine, ou télésurveillance médicale, permet à un professionnel de santé d'interpréter à distance les données nécessaires au suivi de la santé d'un patient et, le cas échéant, de prendre des mesures pour le prendre en charge. Si ce dispositif est déjà bien implanté aux États-Unis, il n'est pas encore aussi développé en Europe.

Alix Joseph

Alix Joseph

Directeur des ventes et du marketing au niveau mondial pour le secteur de la santé

J'ai rejoint Linxens pour participer activement au nouveau segment des soins de santé qui transformera notre approche de la médecine. En apportant mon expertise dans le domaine des dispositifs médicaux, je suis heureux de conduire et de soutenir le développement de nouvelles plateformes et solutions dans les domaines du Point-of-Care, des wearables médicaux et des solutions de traçabilité.

 Après avoir fait l'objet d'une expérimentation en France entre 2014 et 2021, avec le programme ETAPES, la télésurveillance devait entrer dans le droit commun et donc être généralisée au plus tard le 1er juillet 2022 avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Ce décret, qui précisera notamment la tarification et les conditions de prise en charge des patients, a finalement été reporté à une date ultérieure.
A l'approche du Forum Labo, comment les experts du secteur voient-ils évoluer le marché de la télésurveillance ?

La télésurveillance médicale, un marché en pleine expansion...

Le monde, et les États-Unis en particulier, ont une appétence pour la télésurveillance. En effet, le montant des investissements dans la santé numérique était 5 fois plus élevé en 2021 que dans le reste des Medtech, les investissements américains étant particulièrement actifs. La validation d'un cadre législatif devrait permettre à l'Europe d'attirer davantage d'investisseurs. Le report de l'application de ce décret est donc source de tensions car de nombreuses entreprises ont un intérêt économique dans la télésurveillance, mais aussi parce qu'elle va entraîner des changements profonds dans la prise en charge des patients.

S'il est vrai que le Covid-19 a facilité l'adoption de ces technologies par les professionnels de santé nord-américains, ce sont les tendances de long terme telles que la raréfaction des professionnels de santé, notamment des spécialistes (cela risque de durer encore une vingtaine d'années), le vieillissement de la population et l'explosion du nombre de pathologies et de maladies chroniques, qui vont faire bouger les lignes en France. Derrière l'accélération de la mise en place de ces mesures, il y a la volonté de faire évoluer le système de santé pour désengorger les hôpitaux et permettre l'accès aux soins, notamment dans les déserts médicaux. 

Les entreprises ont bien compris qu'il s'agit là d'un marché d'avenir et qu'avec l'entrée en vigueur dans le droit commun du cadre de prise en charge de la télésurveillance pour les 4 maladies chroniques les plus impactantes pour le système de santé (diabète, insuffisance cardiaque chronique, insuffisance rénale chronique et insuffisance respiratoire chronique), le potentiel est énorme.

...Et porté par les start-ups

De nombreuses start-ups proposent des solutions technologiques bien développées, mais elles sont freinées par le levier législatif qui ne permet pas aux patients d'être remboursés. De plus, la création de données médico-économiques nécessite des investissements importants pour ces petites structures.

Pour autant, les grands groupes ne sont pas en reste. Certes, ces derniers sont plus facilement attirés par le suivi hospitalier, mais certains d'entre eux ont bien compris les enjeux de la télésurveillance à domicile et sont prêts à s'emparer du marché. Leur objectif est de racheter les startups les plus prometteuses lorsque le marché est mature afin d'accélérer le développement des technologies. Pour les deux parties, il s'agit d'un accord gagnant-gagnant puisque ces petites structures bénéficieront alors du large réseau des grands groupes.

Dans le même temps, certains grands groupes proposent déjà leurs solutions de télésurveillance médicale sans code de remboursement et génèrent des données économiques pendant des années avant de faire du lobbying auprès des autorités de santé pour les obtenir. Se lancer dans un tel projet nécessite aujourd'hui d'avoir les reins solides.


 S'il s'agit assurément d'un secteur plein de potentiel, le marché de la télésurveillance médicale n'est pas encore structuré. L'entrée des activités de télésurveillance dans le droit commun permettra le déploiement des dispositifs de télésurveillance et donc une croissance du marché. Ce marché se consolidera ensuite et devrait permettre aux start-ups d'attirer davantage d'investisseurs et, pour les entreprises prêtes à commercialiser leurs solutions, de générer des bénéfices. Cependant, il est important de rester prudent car ce marché peut également être ébranlé si le cadre législatif change, comme ce fut le cas aux États-Unis en 2021 lorsque les taux de remboursement des soins de télésurveillance ont été revus à la baisse. 

Pour les entreprises qui sont prêtes à commercialiser leurs solutions, de générer des bénéfices.